La maison devient l’endroit où chacun d’entre nous aurait pu grandir ou se réfugier, le théâtre fictif de vies passées ou à venir. Le titre non seulement ouvre à des nouvelles voies d’appropriation, mais il renverse aussi le temps : la fin cède sa place au commencement, la vieillesse à l’enfance.
Dans cette oeuvre, on retrouve un certain nombre d’éléments qui sont déjà très présents dans le langage artistique de Claude Lévêque, ce qu’il appelle lui-même des « motifs » : la transparence, le reflet, la lumière, l’ombre. Un quatuor qui permet de (ré)créer autrement l’espace.
De taille très modeste et dépourvue d’alimentation en eau et en électricité, la maison a hébergé une dizaine de personnes dont de nombreux plougonverois conservent encore un souvenir fort. Elle fait partie de l’histoire du village et est fortement ancrée dans la mémoire collective.
L’un de ces projets concerne la « maison des anciens », espace et lieu de mémoire réinterrogé aujourd’hui par la création d’un lotissement. Cette «Maison des anciens» à la particularité d’avoir servie de lieu d’accueil pour les personnes qui, en fin de vie, se sont retrouvées sans ressources.
Sur une proposition d’Eternal Network, médiateur agréé par la Fondation de France, une étude artistique a été confiée à l’artiste Claude Lévêque, très présent sur la scène artistique contemporaine tant en France qu’à l’étranger. La rencontre entre l’artiste et les commanditaires, les liens qui se sont opérés au cours de ces trois années de travail en commun, confèrent à La maison où j’ai grandi à Plougonver une dimension particulière, à la fois œuvre plastique et expérience humaine rare.
L’origine de cette commande remonte à l’automne 2004, après que Jean Piolot, Maire de Plougonver, ait découvert l’action Nouveaux commanditaires de la Fondation de France par le biais du CAUE 22. Un groupe de commanditaires se forme alors autour lui, rassemblant des conseillers municipaux et habitants du village portant un désir commun : pérenniser la mémoire de cette maison et l’émotion qu’elle suscite toujours, par une expression symbolique à même d’évoquer cette part spécifique de l’histoire sociale et humaine du village.
Cette démarche interroge également les possibilités pour une petite commune aujourd’hui de soutenir un projet de développement territorial dynamique et ancré dans son époque, tout en conservant une mémoire constitutive de son identité locale.
La maison où j’ai grandi à Plougonver
Les commanditaires
Jean Piolot, Maire de Plougonver,
ainsi que des membres du conseil municipal : Paule Caoudal, Raymond Dubourg,
Jean-Pierre Jacquelin, Michel Quemener, Robert Rault
L’association Art et culture : Colette Piolot, Cécile Kervern,
Scholastique Cazoulat, Kim Cody et Jeanine Quemener
ETERNAL NETWORK
atelier de production et d'ingénierie artistiques
Médiateur
Anastassia Makridou-Bretonneau et Céline Assegond
avec le concours de
Mathieu Le Barzic, architecte
Didier Pidoux (CAUE 22)
assisté de
Émilie Duval, Émilie Lesne, Marie Lozón de Cantelmi,
Alexandre Neveu, Frédéric Stordeur et Noélie Thibault
Remerciements
Au conseil municipal (2001-2008), à tous les employés municipaux
ainsi qu'à Pascal Mazoyer (simulation 3D)
et aux entreprises Métafer (Plaintel),
Spectaculaires (Rennes), Pierre Stephan (Plougonver)
et Bouetté Frères (Plougonver) pour la qualité de leur
travail
Les partenaires
Fondation de France
Ministère de la culture / DRAC Bretagne
Préfecture des Côtes d’Armor
Région Bretagne
Conseil Général des Côtes d’Armor
Commune de Plougonver
CAUE 22
Remerciement également à tous les habitants
de Plougonver et à tous ceux qui ont apporté leurs soutien à
la réalisation de ce projet
La maison est désormais un objet visuel, son espace physique est devenu un espace-image, un écran pour l’imaginaire. Elle dévoile un monde austère en noir et blanc qui abrite l’évocation d’un mobilier, une table, des chaises.
La mélancolie contenue de cet univers s’illumine la nuit : une lumière blanche balaie les formes à l’intérieur y dessinant un jeu énigmatique d’ombres tandis que la lumière irréelle du sodium transforme la maison en source lumineuse pour tous les environs.
L’œuvre de Claude Lévêque pour Plougonver restitue une mémoire collective locale dans sa vérité complexe, tel le jeu d’ombres et de lumières, et contribue à sa transmission par la réanimation affective d’idées et de valeurs nécessaires autant hier qu’aujourd’hui.
Dans un voisinage direct avec les nouvelles habitations à loyer modéré, elle lui redonne une place centrale, littéralement et symboliquement. Mais si l’œuvre semble contenir et véhiculer des histoires, comme une musique fredonnée, celles-ci n’ont plus d’âge ni d’origine, elles appartiennent autant au passé qu’au présent, elles sont d’ici et d’ailleurs. La poésie laconique des éléments et l’absence de toute narration confèrent à La maison où j’ai grandi à Plougonver la puissance d’un haïku.
Texte d'Anastassia Makridou-Bretonneau